#BrunschvicgProgresConscience 6 : l’œuvre de Platon

Section II du tome I:

http://classiques.uqac.ca/classiques/brunschvicg_leon/progres_conscience_t1/brunschvicg_progres_conscience_t1.doc#c1_s2

“Tel est le problème qui donne naissance à l’œuvre platonicienne. Les termes en sont admirablement précisés par un texte central de l’Apologie : « Quoi, cher ami, ne cesse de répéter Socrate à chacun de ses concitoyens, tu es Athénien, tu appartiens à une cité qui est renommée la première pour sa science (σοφία) et sa puissance ; et tu n’as pas honte de consacrer tes soins à ta fortune pour l’accroître le plus possible, et à ta réputation et à tes honneurs, tandis que la pensée (φρόνησις), la vérité, tandis que l’âme qu’il s’agirait d’améliorer sans cesse, tu ne leur donnes aucun soin, tu n’y penses même pas. »”

c’est à dire que Socrate reproche aux Athéniens de consacrer leurs forces au plan vital plutôt qu’au plan internel; telle est l’origine de l’œuvre platonicienne .

“Les forces de discipline et de dévouement auxquelles Athènes avait dû sa prospérité d’ordre intellectuel et d’ordre matériel, elle les a laissées se dissoudre par l’effet même de cette prospérité, dans l’appétit de jouissance et d’ambition qui s’est développé avec la victoire sur l’Asie. Ce qu’il faut donc, c’est susciter dans la cité un amour fervent pour les valeurs spirituelles : φρόνησις, ἀλἡθεια, ψυχή, sans pourtant accentuer le divorce entre la vie politique, livrée par l’affaissement des mœurs démocratiques aux intrigues des tribuns ou des tyrans, et la vie morale, fondée sur la conscience que l’individu prend de sa puissance d’affranchissement intérieur. ”

C’est le même problème qui est celui de l’Occident actuel.

Mais Platon ne se laisse pas enfermer dans cette alternative :

“Platon se refuse à poser ainsi l’alternative. Au point de départ de sa pensée, il y a cette intuition profonde et prophétique : le salut d’Athènes et l’intérêt de la civilisation sont inséparables. Athènes ne peut être régénérée que par des homme capables de faire servir aux disciplines de la vie collective la certitude incorruptible de la méthode scientifique ; d’autre part, le progrès de spiritualité auquel l’enseignement socratique avait ouvert la voie, se trouvera tout d’un coup arrêté du jour où Athènes sera dépouillée de son indépendance, où le monde antique cessera de recevoir le rayonnement de son génie. Peut-être, d’ailleurs, après les ruines accumulées sur le sol de la Grèce par la guerre du Péloponnèse, le mal dont Platon avait établi le diagnostic était-il devenu incurable ; peut-être est-ce sur une chose déjà morte que portent les discussions de la République, du Politique ou des Lois, sur la constitution de la cité la meilleure. Et une fois de plus aura-t-il été vrai que l’oiseau d’Athènes prend son vol seulement à la tombée de la nuit. Du moins, pour nous modernes, et si nos trois siècles de civilisation doivent être autre chose qu’une trêve illusoire entre deux retours de « Moyen Age », aucune leçon ne sera plus précieuse à recueillir que l’effort accompli par Platon pour fournir à l’humanisme rationnel de Socrate les points d’appui qui lui manquaient, en passant du Dialogue à la Dialectique, de la loi positive à la justice idéale.”

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