T S Eliot : « thinking of the key, each confirms a prison « 

https://www.goodreads.com/quotes/763429-i-have-heard-the-key-turn-in-the-door-once

«I have heard the key
Turn in the door once and turn once only
We think of the key, each in his prison
Thinking of the key, each confirms a prison”

Cette prison qui enferme chacun de nous, c’est l’ enfermement dans l’individuel, qui n’est rien que l’amour du fini, qui nous enferme dans la dialectique de l’être : nous aimons notre prison et ne voulons surtout pas nous évader, parce que nous aimons notre particularité, notre singularité , ce qui nous rend croyons nous unique

« Pour dominer sa destinée d’inconscience et de néant, il faut que la vie accepte de s’éclairer à la lumière de l’intelligence, qui saura la féconder par sa capacité d’expansion infinie, de sympathie universelle. Toute doctrine de la conscience a pour base cet attachement radical à l’être, qui se manifeste dans tout ce qui est capable du moindre sentiment et qui fait que « chacun est un tout à soi-même ; car, ajoute Pascal, lui mort, le tout est mort pour soi » . Mais le caractère de l’imagination réaliste est qu’elle s’arrête à ce sentiment immédiat ; elle fixe la conscience sur place, elle enferme la personnalité dans l’enceinte d’un organisme « unique et clos ». De là est issue l’angoisse de la réciprocité, parallèle dans l’ordre pratique à l’inquiétude sceptique qui est la contre-partie inévitable de la foi dans l’objectivité des apparences sensibles. Or, de cette inquiétude et de cette angoisse l’idéalisme rationnel délivrera la conscience, non pas en la déracinant de l’être, mais en suivant l’élan de désintéressement et de générosité que Socrate et Copernic ont imprimé à la pensée occidentale. Il s’agit pour l’homme de substituer à l’absolu de termes donnés en soi, exclusifs les uns des autres, la formation progressive d’un système dont son individualité ne sera qu’une partie, d’intégrer ainsi à sa propre substance spirituelle les rapports véritables de tous les membres de l’humanité aussi bien que de tous les corps de l’univers. La personne est alors, non plus un objet particulier de la relation de réciprocité, mais son sujet, mais sa raison d’être. Comme l’ont dit d’une voix commune Platon, Spinoza, Fichte, Lagneau, celui-là ne peut plus douter, qui a pris conscience d’être lui-même l’acte unifiant de l’intelligence ; celui-là ne peut plus haïr, qui a pris conscience d’être lui-même l’acte unifiant de l’amour. »

ces lignes de Brunschvicg expliquent le mécanisme de cet enfermement

Nous cherchons, tous, l’amour , mais l’ambivalence de cette situation fait que nous restons enfermés dans l’imagination réaliste, à cause de l’amour du fini , qui fait que nous ne voulons pas réellement sortir de notre prison : aussi l’amour que nous trouvons est il en général un misérable esquif au milieu de l’Océan, pas l’ amour véritable, qui est l’amour divin, amor Dei Intellectualis :

»L’intuition spinoziste n’est rien si elle n’est éternelle et totale, si elle ne se rend capable d’appuyer la transparence et l’universalité de l’amour à l’immanence et à la certitude du vrai. En d’autres termes, il n’y a qu’un problème pour le philosophe, ou plus exactement on est philosophe dans la mesure où l’on parvient à ne plus poser qu’un problème, là où il y en a deux selon le vulgaire, et entre lesquels il lui paraîtrait ridicule de chercher le moindre rapport : apercevoir la vérité dans une telle sphère d’évidence qu’elle ne jette plus d’ombre, porter son amour à une telle hauteur de désintéressement qu’il ne puisse plus devenir cause de tristesse et, par suite, de haine. Cela, c’est tout un pour Spinoza comme pour Platon. La dialectique du Banquet porte à son sommet le μάθημα, et l’Ethica more geometrico demonstrata s’achève dans l’unité de l’amour intellectuel chez l’homme et chez Dieu. »

bref nous restons dualistes, écartelés entre ciel et terre

O V de Lubicz Milosz : l’amoureuse initiation

« Connais tu bien l’amour, toi qui parles d’aimer ? »

Seule la dialectique de l’un pourra nous libérer de cet enfermement dans la particularité individuelle, qui s’agissant de l’amour est enfermement dans l’esclavage du sexe et de la recherche du plaisir, car c’est cela la plupart du temps la « recherche de l’amour »

L’amour du fini, c’est la dialectique de l’être : la dialectique de l’un nous délivre

«Nous ne doutons pas que Dieu existe puisque nous nous sentons toujours, selon la parole de Malebranche, du mouvement pour aller plus loin jusqu’à cette sphère lumineuse qui apparaît au sommet de la dialectique platonicienne où, passant par dessus l’imagination de l’être, l’unité de l’Un se suffit et se répond à soi-même. Méditer l’Être nous en éloigne ; méditer l’unité y ramène. »

This entry was posted in Art, Cochet-Brunschvicg, DIEU, Léon Brunschvicg, Littérature-Poésie, Ouvert : dualité plan vital-plan spirituel, Philosophie, Platon, Science-internelle, Spinoza. Bookmark the permalink.