« Connais tu bien l’amour, toi qui parles d’aimer ? »

Cette citation tirée de « l’imitation de Jésus-Christ » par Corneille ( dans sa traduction du livre de Thomas à Kempis) :

https://fr.m.wikisource.org/wiki/Imitation_de_Jésus-Christ

 

est faite par Brunschvicg dans « Raison et religion » en tête du livre I:

Brunschvicg : raison et religion (1939) livre où est thématisée l’opposition fondamentale entre plan vital et plan spirituel

livre où la dualité entre monde et plan spirituel est explicitée en trois oppositions fondamentales :

#BrunschvicgRaisonReligion les trois oppositions fondamentales ou les trois axes du mouvement de conversion spirituelle dans « Raison et religion »

J’ai compris jusqu’à présent cette opposition entre plan vital de la génération et plan spirituel de l’Idée comme dualité opposant l’amour charnel, érotique Eros et l’amour universel et inconditionnel  Agapé , mais aujourd’hui je suis persuadé que ce qui surplombe Eros au sommet lumineux de la dialectique platonicienne du « Banquet » , c’est le μαθημα mathème :

https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Mathème

 évoqué par  Diotime dans ce dialogue de Platon, qui est peut être aussi « Amor Dei intellectualis » de Spinoza selon le propos de Brunschvicg dans « Le Progrès de la conscience dans la philosophie occidentale » dans la dernière section, « Immanence de la réflexion » :

http://classiques.uqac.ca/classiques/brunschvicg_leon/progres_conscience_t2/progres_conscience_t2.html

« Mais l’histoire, telle que nous la connaissons aujourd’hui, permet d’en appeler, contre le réalisme des platoniciens, à la pure spiritualité de Platon. Ce qui s’oppose à l’entité de l’être, ce n’est pas l’être de l’un, c’est l’unité de l’un, vers laquelle s’oriente l’idéalité de la dialectique ascendante. Cette dialectique implique à chacun de ses degrés une présence sans laquelle deux marchands ne pourraient se mettre d’accord sur l’exactitude de leurs échanges, deux citoyens sur la réciprocité des rapports de justice, mais qu’on ne saurait hypostasier à titre d’essence séparée sous peine de se heurter au fantôme contradictoire du τρίτος νθρωπος. Voilà pourquoi l’Idée du Bien ne saurait se confondre avec le Démiurge, pas plus que le Verbe avec le Fils »

»chez Spinoza, le cri du cœur, au lieu d’exprimer, comme il arrive dans l’expérience mystique, un moment d’exaltation fugitive, d’extase peut-être illusoire, est inséré dans le tissu d’une démonstration continue et sûre de soi. L’intuition spinoziste n’est rien si elle n’est éternelle et totale, si elle ne se rend capable d’appuyer la transparence et l’universalité de l’amour à l’immanence et à la certitude du vrai. En d’autres termes, il n’y a qu’un problème pour le philosophe, ou plus exactement on est philosophe dans la mesure où l’on parvient à ne plus poser qu’un problème, là où il y en a deux selon le vulgaire, et entre lesquels il lui paraîtrait ridicule de chercher le moindre rapport : apercevoir la vérité dans une telle sphère d’évidence qu’elle ne jette plus d’ombre, porter son amour à une telle hauteur de désintéressement qu’il ne puisse plus devenir cause de tristesse et, par suite, de haine. Cela, c’est tout un pour Spinoza comme pour Platon. La dialectique du Banquet porte à son sommet le μάθημα, et l’Ethica more geometrico demonstrata s’achève dans l’unité de l’amour intellectuel chez l’homme et chez Dieu. »

Cet amour-Eros est nommé par Thomas Mann , à la fin de « La montagne magique » un « songe d’amour, né de la mort et de la luxure du corps » :

#CochetBrunschvicg 6 : la conversion de la chair à l’esprit dans le Temps hermétique

«

Adieu, Hans Castorp, brave enfant gâté de la vie ! Ton histoire est finie. Nous avons achevé de la conter. Elle n’a été ni brève ni longue, c’est une histoire hermétique. Nous l’avons narrée pour elle-même, non pour l’amour de toi, car tu étais simple. Mais en somme, c’était ton histoire, à toi. Puisque tu l’as vécue, tu devais sans doute avoir l’étoffe nécessaire, et nous ne renions pas la sympathie de pédagogue qu’au cours de cette histoire nous avons conçue pour toi et qui pourrait nous porter à toucher délicatement de la pointe du doigt le coin de l’œil, à la pensée que nous ne te verrons ni ne t’entendrons plus désormais.
Adieu ! Tu vas vivre maintenant, ou tomber. Tes chances sont faibles. Cette vilaine danse où tu as été entraîné durera encore quelques petites années criminelles et nous ne voudrions pas parier trop haut que tu en réchapperas. À l’avouer franchement, nous laissons assez insoucieusement cette question sans réponse.

Des aventures de la chair et de l’esprit qui ont élevé ta simplicité t’ont permis de surmonter dans l’esprit ce à quoi tu ne survivras sans doute pas dans la chair. Des instants sont venus où dans les rêves que tu gouvernais un songe d’amour a surgi pour toi, de la mort et de la luxure du corps.

De cette fête de la mort, elle aussi, de cette mauvaise fièvre qui incendie à l’entour le ciel de ce soir pluvieux, l’amour s’élèvera-t-il un jour ? »

l’amour s’élèvera t’il un jour?

C’est à dire :

le songe d’amour, né de la mort et de la luxure du corps, l’amour-Eros se transformera t’il un jour en l’amour véritable, amour intellectuel de l’homme et de Dieu, μαθημα mathème  entrevu au sommet de la dialectique platonicienne , « Mont analogue » gravi grâce à la dialectique de l’un et non de l’être ?

http://classiques.uqac.ca/classiques/brunschvicg_leon/heritage_de_mots_idees/heritage_de_mots.html

»Nous ne doutons pas que Dieu existe puisque nous nous sentons toujours, selon la parole de Malebranche, du mouvement pour aller plus loin jusqu’à cette sphère lumineuse qui apparaît au sommet de la dialectique platonicienne où, passant par dessus l’imagination de l’être, l’unité de l’Un se suffit et se répond à soi-même. Méditer l’Être nous en éloigne ; méditer l’unité y ramène. »

Cet avènement aura lieu , chez ceux qui auront pris conscience « d’être l’acte unifiant de l’amour » :

»Pour dominer sa destinée d’inconscience et de néant, il faut que la vie accepte de s’éclairer à la lumière de l’intelligence, qui saura la féconder par sa capacité d’expansion infinie, de sympathie universelle. Toute doctrine de la conscience a pour base cet attachement radical à l’être, qui se manifeste dans tout ce qui est capable du moindre sentiment et qui fait que « chacun est un tout à soi-même ; car, ajoute Pascal, lui mort, le tout est mort pour soi » . Mais le caractère de l’imagination réaliste est qu’elle s’arrête à ce sentiment immédiat ; elle fixe la conscience sur place, elle enferme la personnalité dans l’enceinte d’un organisme « unique et clos ». De là est issue l’angoisse de la réciprocité, parallèle dans l’ordre pratique à l’inquiétude sceptique qui est la contre-partie inévitable de la foi dans l’objectivité des apparences sensibles. Or, de cette inquiétude et de cette angoisse l’idéalisme rationnel délivrera la conscience, non pas en la déracinant de l’être, mais en suivant l’élan de désintéressement et de générosité que Socrate et Copernic ont imprimé à la pensée occidentale. Il s’agit pour l’homme de substituer à l’absolu de termes donnés en soi, exclusifs les uns des autres, la formation progressive d’un système dont son individualité ne sera qu’une partie, d’intégrer ainsi à sa propre substance spirituelle les rapports véritables de tous les membres de l’humanité aussi bien que de tous les corps de l’univers. La personne est alors, non plus un objet particulier de la relation de réciprocité, mais son sujet, mais sa raison d’être. Comme l’ont dit d’une voix commune Platon, Spinoza, Fichte, Lagneau, celui-là ne peut plus douter, qui a pris conscience d’être lui-même l’acte unifiant de l’intelligence ; celui-là ne peut plus haïr, qui a pris conscience d’être lui-même l’acte unifiant de l’amour. »

c’est cela , cet achèvement de la civilisation humaine en sa guise philosophique-mathématique occidentale , qui est visé  à travers l’étude de la théorie des topos : la transformation -métamorphose de la pensée en la dialectique de l’un qui mène au ciel du μαθημα –mathème, qui n’est autre que l’élévation de l’Amour universel « Maître des cieux », amour intellectuel  de Dieu pour l’homme et de l’homme pour Dieu

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