Les trois dualités fondamentales, Moi vital-Moi spirituel, monde imaginaire-monde véritable et Dieu anthropomorphique-Dieu divin , mises en lumière par Max Tegmark

Cet article est la suite du récent article consacré à l’étude des travaux de Max Tegmark sur le multivers en 4 niveaux :

https://anthroposophiephilosophieetscience.wordpress.com/2019/06/05/max-tegmark-le-multivers-univers-

L’article de Tegmark est ici :

Click to access multiverse.pdf

Et sa page est ici :

https://space.mit.edu/home/tegmark/quantum.html

Les trois oppositions fondamentales sont décrites par Léon Brunschvicg dans « Raison et religion » en 1939:

#BrunschvicgRaisonReligion les trois oppositions fondamentales ou les trois axes du mouvement de conversion spirituelle dans « Raison et religion »

1 opposition entre Moi vital et Moi spirituel :

#BrunschvicgRaisonReligion les oppositions fondamentales : Moi vital ou Moi spirituel

2 opposition entre monde imaginaire des instincts vitaux et monde véritable de la physique mathématique, consistant en l’unification non encore opérée entre la relativité générale (macrocosme ) et la théorie quantique (microcosme):

#BrunschvicgRaisonReligion seconde opposition fondamentale : monde imaginaire ou monde véritable

3 opposition fondamentale entre Dieu anthropomorphique , créé par l’idolâtrie des « religions », et le Dieu divin qui est l’Idée , «  Étendue Intelligible » des Idées:

#BrunschvicgRaisonReligion troisième opposition fondamentale : Dieu humain ou Dieu divin

Attention ici : le terme « Étendue Intelligible » vient de Malebranche, et il est identifié ici avec l’Idée de Dieu. Mais cette identification , qui est souvent reprochée à Malebranche, n’appartient pas à la pensée du philosophe : Malebranche était (comme Descartes d’ailleurs ) chrétien et  «  croyait » donc en un Dieu ineffable, au delà de toutes les conceptions humaines  ( qui sont ici considérées comme des « modèles » en l’esprit humain des Idées « vues » en Dieu ).

Mais pourquoi ne pas suivre Malebranche jusqu’au bout et ne pas devenir chrétien à son exemple ? parce que je suis fidèle, sans l’avoir connu puisqu’il est mort huit ans avant ma naissance, à l’enseignement de Léon Brunschvicg : les religions, y compris le christianisme, sont « enlisées «  dans le plan vital, impuissantes à nous en libérer en nous faisant accéder au plan internel.

La ligne de démarcation des Temps qui vient casser en deux l’Histoire humaine n’est pas l’époque des Jésus-Christ, ou de Moïse, ou de Mahomet, ni une prétendue époque d’une prétendue « Tradition primordiale » rêvée par René Guénon, mais la 17 eme siècle européen , siècle du cartésianisme et de la science moderne :

Descartes : la ligne de démarcation des Temps

« Nous sommes Dieu; malheureusement nous sommes aussi le cobaye universel : cela nous donnes en plus quelques droits « Cette phrase de Drameille à la fin de « La fosse de Babel » de Raymond Abellio , nous qui vivons après 1945, nous avons le droit de la prononcer si nous prenons la mesure de la révolution de pensée qu’exige de nous les deux aboutissements de la physique au vingtième siècle  : relativité générale en 1915 et physique quantique dans les années 1920,  aboutissements permis par la révolution spirituelle du 17 eme siècle, c’est à dire si nous comprenons  le résumé du spinozisme  ( post-cartésien) dans « Raison et religion «  : «  Dieu n’est pas un autre pour nous et nous ne sommes pas un autre pour lui « 

«  ce n’est qu’à la proximité du plus grand danger que croît la plante qui sauve » : le livre « Raison et religion » de Brunschvicg date de 1939 , année du basculement dans l’horreur et de l’angoisse de tout un peuple devant l’irrémédiable :

1939, un dernier été : à voir ou revoir en replay jusqu’au 30 juin 2019

L’angoisse de la mort n’est possible que dans la perspective d’une phlosophie vitaliste: mais il est un autre plan que le plan purement vital , plan des démonstrations où s’ouvrent les « yeux de l’âme et de l’esprit « :

« Le problème est dans le passage , non d’aujourd’hui à demain, mais du présent temporel au présent éternel. Une philosophie de la conscience pure, telle que le traité de Spinoza « De intellectus emendatione » , en a dégagé la méthode, n’a rien à espérer de la vie, à craindre de la mort. L’angoisse de disparaitre un jour, qui domine une métaphysique de la vie, est sur un plan; la certitude d’évidence qu’apporte avec elle l’intelligence de l’idée, est sur un autre plan« 

L’imaginaire c’´est le réel : et la guerre qui venait était bien réelle en 1939 . Simone de Beauvoir , citée dans le film «  1939 : un dernier été «  disait que la seule action individuelle possible devant l’angoisse qui montait en cet été 1939 était de « bloquer son imagination « , ce que n’a pas fait Jean Renoir et heureusement pour nous  car sinon il n’aurait pas réalisé  « La règle du jeu ». La réalisatrice du film Ruth Zylberman demande « Comment fait on pour bloquer son imagination ? » Réponse : en prenant conscience que ce « monde qui passe «  , le monde de l’Histoire , cauchemar dont Joyce voulait s’éveiller, ce monde bien réel, est imaginaire parce qu’il n’est pas le monde véritable, seulement le monde réel.

Seulement il ne s’agit plus pour l’homme de se soustraire à la condition de l’homme : les bombes et les balles sont bien réelles, comme les fours crématoires, comme le bois de la Croi où Jésus fut crucifié

nous sommes Dieu, mais nous sommes aussi le cobaye universel  . Et la certitude (plus que le sentiment ) de notre éternité intime (de notre internité, d’ordre internel ) n’empêche pas l’individu , même celui qui sait que le réel, c’est l’imaginaire, de mourir, «pas plus que l’intelligence du soleil astronomique n’empêche le savant de voir les apparences du soleil sensible. »

« . Le problème est dans le passage , non d’aujourd’hui à demain, mais du présent temporel au présent éternel. Une philosophie de la conscience pure, telle que le traité de Spinoza « De intellectus emendatione » , en a dégagé la méthode, n’a rien à espérer de la vie, à craindre de la mort. L’angoisse de disparaitre un jour, qui domine une métaphysique de la vie, est sur un plan; la certitude d’évidence qu’apporte avec elle l’intelligence de l’idée, est sur un autre plan« : l’homme qui a compris cette pensée de Spinoza et accédé à ce plan internel , qui peut être appelé le « dimanche de la vie «  , s’est libéré de « cette histoire racontée par un idiot, pleine de bruit et de fureur «  : seulement quand les choses se gâtent, comme en Septembre 1939, il lui reste à faire son devoir et à s’engager, comme le magnifique Jean Zay , qui démissionna de son poste de ministre et s’engagea comme simple soldat :

https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Jean_

et fut assassiné en 1944 par des  milichiens

Revenons maintenant au travail de Max Tegmark :

Click to access multiverse.pdf

et montrons comme il contient les trois dualités décrites par Brunschvicg. C’est d’ailleurs indiqué dans le dernier article d’étude de ce travail de Tegmark qu’il suffit de relire :

Max Tegmark : le multivers (univers parallèles)

L’opposition Page 11 de l’article de Tegmark entre les deux perspectives, celle du batracien et celle de l’oiseau croise les deux approches , encyclopédique et unitive, que j’avais décrite dans cet ancien article :

http://mathesis.blogg.org/mathesis-universalis-totalite-et-savoir-absolu-p1002238

»Il y a deux manières d’envisager la notion de Totalité : selon l’être, ou selon le savoir. La première est naîve et pré-philosophique, et l’on s’en rend facilement compte en observant qu’elle se ramène en somme à la seconde, au domaine du savoir, de la pensée. Car pour former des totalités (selon certains critères spécifiques) il faut un être qui pense, qui évalue, qui compte, et qui juge. Et si le fameux “Eν το παν”  grec (“Un est le Tout”) est juste, il doit être interprété sous la forme d’une équation “conceptuelle” : Tout = Un (visible dans la théorie ddes catégories avec l’axiome assertant qu’il existe un morphisme identité en tout objet).

Nous sommes donc ramenés à l’Un, au savoir et à la connaissance donc; là encore, comme le fait remarquer Godin page 513 volume 2, il y a deux manières de prendre une vue complète d’un paysage : en le parcourant entièrement, ou bien en montant sur une hauteur et en “embrassant d’un seul coup d’oeil”, d’un “oeil d’aigle”, la totalité du paysage.

Ce qui correspond pour le domaine du savoir aux deux approches : encyclopédique  (faire un tour exhaustif des différents domaines du savoir) , ou bien unitive:”saisir l’unité profonde des connaissances et (par) la mise au jour des
principes”. »

cela recoupe aussi la citation de Brunschvicg dans l’Introduction au « Progrès de la conscience dans la philosophie occidentale » , sans doute la plus importante de toute l’oeuvre :

» aussi bien, et l’on devra s’en laisser convaincre par les premiers chapitres de notre ouvrage, l’opposition décisive entre l’idéalisme mathématique de la Républiqueplatonicienne et le réalisme astro-biologique de la Métaphysiquearistotélicienne a défini le thème fondamental de l’Occident dans le domaine pratique comme dans le domaine théorique, indépendamment de toute référence au christianisme. Plusieurs siècles avant qu’il ait commencé d’exercer sa propagande, la polémique de l’Académie et du Lycéeapporte le témoignage lumineux qu’il existe deux types radicalement distincts de structure mentale, commandés, l’un par les relations de la science (μαθήματα), l’autre par les concepts du discours (λόγοι). De là procède le problème religieux, tel qu’il se manifeste dans la  terminologie des Stoïciens avec la dualité du Verbe intérieur, ou raison : λόγος ἐνδιάθετος, et du Verbe extérieur, ou langage : λόγος προφορικός. Ce problème, s’il devait prendre dans le christianisme une forme de plus en plus aiguë, ne relève à son origine que de la seule philosophie. »

lignes cruciales parce qu’elles permettent de comprendre l’origine philosophique de la dualité présente dans le christianisme, qui est simplement la dualité entre aristotélisme et platonisme, entre réalisme des primitifs d’avant la ligne de démarcation et idéalisme d’après la ligne, entre les deux structures mentales mises en évidence par Brunschvicg , « commandées,  l’une par les relations de la science (μαθήματα), l’autre par les concepts du discours (λόγοι) » . 

La mise au ban en 1945 de l’idéalisme, qui avait régné sur l’Université française, en tout cas sur la philosophie française,  depuis Descartes, revient tout simplement à passer la ligne en sens inverse : régression depuis la structure mentale idéaliste, commandée par les mathèmes , permettant de distinguer entre monde véritable et monde imaginaire, vers la structure mentale réaliste, commandée par les logoi (words! words ! words !). Depuis cette date la philosophie n’est plus qu’un masque qui résonne (PERSONA), elle se meurt !

c’est tout le mérite du travail de Max Tegmark de montrer que cette dualité , et par elle les trois oppositions fondamentales de Brunschvicg, n’est autre que celle qui oppose les physiques intellectualistes, géométriques, d’Einstein et de tous les savants qui cherchent à unifier la physique par les ressources de  la mathématique , aux résistances contre une telle physique, au nom de l’expérience, du mondede la vie : intellectualisme vs vitalisme. Ce sont là les deux lignes de la philosophie française observées par Badiou.

C’est en ce sens qu’il faut comprendre le « slogan » de Tegmark dans « Notre univers mathématique « :

Les mythemes ou concepts du discours correspondent à ce que Max Tegmark appelle le « bagage « ; sciences véritables et pseudo- sciences

Une structure mathématique, c’est une catégorie, par exemple on a une catégorie des groupes, les morphismes entre les objets sont les « homéomorphismes de groupe », c’est à dire les fonctions, ou applications, qui préservent la structure de groupe. Dire comme Tegmark que l’univers est une structure mathématique, c’est dire donc qu’il est une catégorie, donc dire qu’il est une Idée. Si l’on fait varier la structure, comme propose Tegmark pour le niveau IV du multivers on obtient Cat la catégorie de toutes les catégories, modèle ou mathème humain de l’Idée d’Un ou de Dieu, c’est à dire l’Etendue Intelligible, séjour de toutes les Idées qui sont Une par et en l’Etendue Intelligible, c’est à dire par et en Dieu :

La métacatégorie CAT de toutes les catégories comme modèle mathématique du monde des Idées de Platon

La perspective de l’oiseau c’est celle de l’oiseau de Minerve qui ne prend son envol que le soir, avant la tombée de la Nuit «  où personne ne peut travailler « : pour voler et ne pas rester collé au sol, il faut « poser ses valises « , se débarrasser de ses « bagages » ainsi que les appelle Tegmark :

Les mythemes ou concepts du discours correspondent à ce que Max Tegmark appelle le « bagage « ; sciences véritables et pseudo- sciences

«Tegmark poursuit sa « démonstration » en faisant intervenir la notion de « bagage » (humain, trop humain). Ce sont des mots signifiant des concepts que pour des humains , et encore, des humains ayant une certaine connaissance, au moins vulgarisée , des sciences modernes; par exemple des mots comme « particules, observations »…

Une théorie est composée de ce bagage purement humain et de notations mathématiques. »

c’est à dire que la perspective de l’Oiseau, c’est celle qui consiste à ne garder que les mathèmes et à se débarrasser des logoi purement humains, des mythèmes :

https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Mythème

Eμαθηματα= mathèmes
et
μυθηματα  = mythèmes

La perspective du batracien collé au sol, incapable de voler, c’est celle  du tâcheron qui ne sait pas se débarrasser des mythèmes.

mais il arrive, comme le savent ceux qui lisent des contes de fées, que la grenouille se métamorphose en oiseau . On verra un jour des hippopotames volant, mais l’Eglise restera à se morfondre à jamais sur son rocher

https://www.bartleby.com/199/20.html

«

I saw the ’potamus take wing         25
Ascending from the damp savannas,
And quiring angels round him sing
The praise of God, in loud hosannas.
Blood of the Lamb shall wash him clean
And him shall heavenly arms enfold,         30
Among the saints he shall be seen
Performing on a harp of gold.
He shall be washed as white as snow,
By all the martyr’d virgins kist,
While the True Church remains below         35
Wrapt in the old miasmal mist.
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