#CochetBrunschvicg 20 la #ScienceInternelle comme connaissance intégrale ( GNOSIS)

Il y a déjà treize articles du hashtag #CochetBrunschvicg, consacrés à la méditation du livre de Marie Anne Cochet « Commentaire sur la conversion spirituelle dans la philosophie de Léon Brunschvicg », depuis le 1

#CochetBrunschvicg 1 : objet et objectivité, raison et rationalité

Jusqu’au 13

#CochetBrunschvicg 13 : la faillite du rationalisme lorsqu’il se sépare de l’idéalisme et du criticisme

Je possède ce petit livre datant de 1937, que j’ai acheté pas très cher à Paris il y a 20 ans ou plus, et malgré son état déplorable c’est sans doute le plus cher à mes yeux de mes livres, je ne voudrais m’en séparer pour rien au monde, il vaut plus que ma vie, qui d’ailleurs ne vaut rien.

L’exemplaire que je possède a été dédicacé par Marie Anne Cochet : elle a écrit « Souvenir du congrès «  suivi de sa signature

Il s’agit du congrès Descartes , qui s’est tenu à Paris du 31 juillet au 6 août 1937 :

https://www.persee.fr/doc/phlou_0776-555x_1937_num_40_56_3063

pour le tricentenaire du « Discours de la Méthode » paru en 1637.

https://www.cairn.info/load_pdf_do_not_index.php?ID_ARTICLE=RMM_153_0307

« Il a été tiré de cette première édition 100 exemplaires numérotés de 1 à 100 sur papier chiffon de Bruges et 600 exemplaires ordinaires numérotés de 101 à 700 »

Mon exemplaire porte le numéro 237= 3 x 79

Marie Anne Cochet est morte immédiatement après la guerre, et cette signature d’elle sur mon exemplaire, datant d’il y a 80 ans, est en quelque sorte un élément charnel, chronologique, une trace du passé qui n’est plus. Mais si je lis cet ouvrage en en comprenant correctement l’ esprit , ce que j’espère, alors je suis le contemporain de cette philosophe admirable dans le Présent éternel de l’esprit , comme le précise justement ce passage du texte page 40:

« La vie de l’esprit se développe dans un présent éternel. Platon, Spinoza sont nos contemporains car ce qui fut chronologique dans leurs écrits n’est plus que la poussière déposée par le temps sur un tableau de maître. Nous l’écartons sans peine, et contemplons l’éternelle beauté du tableau « 
Je me fixe donc pour ambition de reprendre ce livre extraordinaire, à commencer par les treize articles déjà rédigés, à la lumière des formes mathématiques des Idées que j’ai croisées ici.
Le livre de Mme Cochet commence avec une reprise du début de « La modalité du jugement «  et de la notion de « connaissance intégrale « :

« La philosophie selon MR Brunschvicg est une connaissance intégrale » , ce qui s’appuie sur le début de « La modalité du jugement « :

http://classiques.uqac.ca/classiques/brunschvicg_leon/modalite_du_jugement/modalite_du_jugement.doc

« Comment l’esprit est-il amené à se poser le problème de la modalité du jugement, et en quels termes se présente ce problème ? telles sont les questions préliminaires auxquelles nous avons à répondre. Or, si nous voulons éviter l’arbitraire dans nos recherches, nous ne devons prendre d’autre point de départ que précisément cette nécessité de traiter les questions préjudicielles, de mettre en question la question elle-même. C’est cette nécessité qui définit l’investigation philosophique. Tandis que, dans une science déterminée, le savant étudie, suivant une méthode qui lui est imposée à l’avance, un objet dont il a admis à l’avance l’existence, le philosophe doit commencer par découvrir l’objet et la méthode de sa recherche, objet toujours nouveau, méthode toujours nouvelle, en ce sens qu’il lui demeure toujours possible d’en fournir une démonstration originale et plus profonde. C’est que la philosophie veut être une connaissance intégrale : or une connaissance ne peut espérer de devenir intégrale qu’à la condition de pouvoir sans cesse élargir son objet et perfectionner sa méthode.
Que sera cette connaissance intégrale ? Ce sera, semble-t-il, la connaissance de l’objet total. Les premiers métaphysiciens se sont, en effet, attachés à l’objet pour le déterminer comme total ; mais l’impossibilité d’atteindre à un résultat stable dut convaincre l’esprit que non seulement le problème ainsi posé dépassait la puissance de l’intelligence humaine, mais qu’il était même incompatible avec sa nature. Comment être sûr, en effet, que l’objet était directement atteint, était absolument objet, alors qu’on faisait abstraction de la connaissance que nous en prenons ? Avant de prétendre juger une oeuvre étrangère, il faut en avoir fixé la traduction ; avant de discuter sur l’objet, il faut en posséder la connaissance intégrale. Dans l’ordre philosophique, l’intuition de l’objet suppose la réflexion sur cette prétendue intuition. Bref, la philosophie qui était une ontologie, devint la critique, c’est-à-dire que l’être en tant qu’être cessa d’être une idée philosophique, puisque c’est par définition même la négation de l’idée en tant qu’idée. La spéculation philosophique, étant un genre de connaissance, ne peut décider que de l’être en tant que connu, ou, mieux encore, puisqu’elle pose d’une façon absolue le problème de la connaissance, elle juge la connaissance en tant qu’être. De ce point de vue auquel il faut que l’esprit s’accoutume lentement et laborieusement, la connaissance n’est plus un accident qui s’ajoute du dehors à l’être, sans l’altérer, comme est devant un objet un verre parfaitement transparent ; la connaissance constitue un monde qui est pour nous le monde. Au-delà il n’y a rien ; une chose qui serait au-delà de la connaissance, serait par définition l’inaccessible, l’indéterminable, c’est-à-dire qu’elle équivaudrait pour nous au néant.
En dehors de toute tentative pour atteindre l’objet total, quel moyen reste-t-il à la philosophie pour parvenir à la connaissance intégrale ? Sans prétendre déduire a priori cette connaissance intégrale, ne peut-on tout au moins déterminer les conditions auxquelles elle devra satisfaire ? Tout d’abord, une connaissance ne sera adéquate, ou même homogène, à son objet que si elle est la connaissance de la connaissance même ; autrement, cette connaissance n’est qu’une traduction ou une projection. Il manque à la représentation d’une douleur ce par quoi la douleur est douleur ; le concept d’un acte volontaire n’est pas un acte volontaire. Une telle connaissance est indirecte, et par suite imparfaite. Ainsi, sans nier en quoi que ce soit la réalité de la douleur ou de la volonté, il faut soutenir que leur étude ne peut être la partie fondamentale et primitive de la philosophie, parce que la méthode analytique de la philosophie n’est pas adaptée à de tels objets. La philosophie procède par concepts ; or un concept n’enferme intégralement qu’un autre concept. L’intelligence. n’est transparente qu’à l’intelligence ; la seule certitude peut être objet de certitude. Toute doctrine par conséquent qui présenterait une faculté non représentative, le sentiment ou la volonté, comme supérieure à la représentation et comme indépendante d’elle, sera une doctrine non philosophique. Elle pourra exprimer une grande vérité religieuse ; elle pourra avoir une grande efficacité morale ; mais elle ne sera pas susceptible de justification rationnelle, et elle sera reléguée à bon droit parmi les doctrines qualifiées de sentimentales, de mystiques, ou de tout autre nom qui en marque le caractère irrationnel.
Ce n’est pas tout, Puisque cette étude doit être une étude philosophique, il faut qu’elle satisfasse à une seconde condition. En effet, dans toute étude d’ordre scientifique, l’esprit qui connaît et l’objet qui est à connaître sont en présence l’un de l’autre, tous deux supposés fixes et immuables. Si l’esprit de l’observateur était altéré par l’observation même, si la loi des phénomènes pouvait être modifiée au cours de l’expérience, il n’y aurait plus de place pour une vérité scientifique. Aussi l’étude de la connaissance, quand elle veut procéder d’une façon scientifique, doit-elle se donner à elle-même un objet qui puisse être mis en quelque sorte à l’abri de toute modification survenant au cours même de l’observation et due au caprice de l’observateur ; par exemple, elle enferme la pensée dans le langage qui, par hypothèse au moins, l’enveloppe et la moule exactement ; c’est à travers les formes du langage qu’elle étudie les lois de la pensée, et ainsi c’est à bon droit qu’une telle science peut prétendre à l’objectivité. Mais, à cause de cette objectivité même, cette science n’épuise pas la connaissance de la connaissance. Elle repose, en effet, sur un postulat, parce qu’elle est une science et que toute science implique ce postulat nullement négligeable qui est le savant. Or le savant peut, et doit, s’étudier lui-même. Alors il met en question ce qui était le postulat de la science, c’est-à-dire qu’il franchit les limites de la science pour essayer d’atteindre à la réflexion philosophique. Au regard de cette réflexion, l’analyse de la connaissance est toute différente de l’analyse scientifique que nous présentions tout d’abord. Dans cette science objective de la connaissance, il. était permis au savant, psychologue ou philologue, de comparer les différentes phases par lesquelles passait l’enfant et de suivre l’évolution de son esprit depuis le jeu automatique de la conscience spontanée jusqu’au mécanisme du raisonnement le plus abstrait ; c’est là une question d’ontogenèse, l’étude d’un enfant par un adulte, analogue à celle de l’embryologie. Mais s’ensuit-il que, philosophiquement, la pensée d’un savant lui-même, la pensée rationnelle, ait pu naître à la suite d’une pareille évolution ? qu’elle ne soit que la résultante de sensations et d’associations ? Posée en ces termes, la question n’a plus de sens ; car il faudrait, pour la résoudre, que le savant se supposât lui-même disparu, et se demandât ce qu’il pouvait être avant qu’il fût, qu’il se fît à la fois, suivant l’expression platonicienne, plus jeune et plus vieux que lui-même. La question d’ontogenèse pouvait être résolue facilement du point de vue de la science qui suppose un centre fixe d’observation. Si l’on supprime ce centre, il n’y a plus de prise pour l’analyse et pour la critique : pour se donner l’air d’atteindre l’absolu, on est tombé dans le vide. Ainsi le problème de l’origine que pose l’empirisme échappe à la critique philosophique, dès qu’il veut traiter de l’origine absolue et acquérir une portée métaphysique.« 
Or ici nous rencontrons deux mouvements très différents qui sont caractérisés à la fois chez Marie Anne Cochet et chez Brunschvicg , et qui s’opposent comme l’être et l’un , ontologie et hénologie : et jamais l’un immanent ne peut devenir objet, même objet total sinon il serait contradictoirement deux, dualité de la conscience et de l’objet . Les deux pôles être et un correspondent à deux mouvements analysés finement par Mme Cochet, au chapitre II, page 54: un mouvement ontologique qui crée l’extériorité, que l’on pourrait nommer en termes neo-platoniciens la prcession, et un mouvement de retour qui est la conversion à l’unité:

« Ce mouvement va de la puissance unifiante éternellement active et immanente dans le « cela est » , à la chose à unifier », donc de l’un immanent à l’être dans le monde

« Le mouvement du retour, revenant du créé au pouvoir créateur, réfléchit non la chose créée mais le pouvoir créateur lui même , et ne laisse plus au concept que la valeur d’une expression provisoire de ce pouvoir : il saisit l’esprit lui même «  ce mouvement est la conversion, de l’être à l’un (qui n’est pas , conclusion des tourniquets du « Parménide »)

Brunschvicg lui aussi distingue les deux idées « Méditer l’être éloigne de Dieu, méditer l’un y ramène « 

Nous avons trouvé ici deux formes mathématiques pour ces deux Idées : l’ensemble de tous les ensembles comme Idée de l’être, « objet total » , utilisé par Badiou dans sa « stratégie pour démontrer l’inexistence du Tout »

la stratégie de Badiou pour démontrer l’inexistence du Tout

car l’ensemble de tous les ensembles n’existe pas ce n’est pas un être, mais une Idée, Idée de l’être , dont la méditation éloigne de Dieu , une catégorie, la catégorie-topos Set des ensembles

Première pierre pour une nouvelle science de l’Idée, science INTERNELLE, Mathesis universalis : l’Idée de l’Un, et l’Idée de l’Etre 

et l’Idée de l’Un qui fait voir Dieu ( qui ramène la conscience à Dieu) dont une forme mathématique est la catégorie CAT de toutes les catégories :

La métacatégorie CAT de toutes les catégories comme modèle mathématique du monde des Idées de Platon

Nous avons donc obtenu deux mathèmes pour les deux mouvements, de procession et de conversion, que distinguent Cochet et Brunschvicg : être et Un. Et le drame de la conscience religieuse est que dans leurs formes métaphysiques, les religions (occidentales au moins) ont opté pour la première de ces Idées, celle dont la méditation éloigne de Dieu.

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